dimanche 10 octobre 2010

Mauvaise pente - Keith Ridgway - 10/18


Mauvaise pente

Il y a le corps de Grace et il y a Grace. Au fin fond de la campagne irlandaise, Grace est un coquillage vide dans lequel résonne l’écho des absences. Elle a perdu son fils cadet par accident et son aîné a fui la maison parentale pour vivre à Dublin. Grace se fait régulièrement battre par son ivrogne de mari. Le soir de trop, elle prend la voiture, le suit sur la route, accélère et le percute de plein fouet.

Cette belle écriture lente, introspective, soulève les mêmes problématiques que chez Nuala O’ Faolain : Un être humain en difficulté se trouve confronté à une société cloisonnée dans un carcan de certitudes. L’histoire de Grace se déroule en 1992, époque à laquelle (fait réel), une jeune fille de 14 ans, violée, se voyait refuser par la loi, sous peine d’emprisonnement, la possibilité de se faire avorter à l’étranger. (On suit le procès en même temps que l’évolution de Grace). Insérer le doute qui permettrait de faire évoluer la réflexion et donc les mentalités est un combat de chaque instant. Mauvaise pente est le récit d’une femme (à travers lequel des milliers de femmes peuvent s’identifier) face à l’incohérence sociale et légale d’une société sclérosée. Mauvaise pente est le premier roman de Keith Ridgway, j’attends le suivant avec impatience.

Extraits :

P168 : « Elle laissa les souvenirs affluer. Elle retrouva les mots pour les décrire et se les récita sans bruit, lentement, comme un enfant qui prie. Elle s’abandonna à l’évocation de ce qu’elle avait commis. »

P218 : « Au-dessus d’elle, il n’y avait que le ciel filant à toute allure et la croix gigantesque. Elle était allongée sans bouger, les mains posées sur la terre glacée, et elle laissait la pluie pénétrer sa bouche ouverte.
Elle pensa : »Si quelqu’un me trouve là et me demande qui je suis, je dirai que je m’appelle Grace et que je suis tombée de la croix.
L’idée la fit rire. »

P342 : « Il n’y avait pas à tergiverser. Elle avait tué. Elle avait fait cela, elle avait accroché ce mot autour de son cou et il l’entraînait inexorablement vers le bas. Vers les détails. Tant de longueur sur tant de profondeur sur tant de hauteur. Comme un balancier d’horloge. Qu’il aille d’un côté ou de l’autre, ça revenait au même. Attendre un bruit de pas dans l’escalier. Guetter des signes dans le silence. Attendre. Elle n’entendait toujours rien. »

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