mardi 23 novembre 2010

Cher Diego, Quiela t'embrasse - Elena Poniatowska - Babel

 Cher Diego, Quiela t’embrasse

Elena Poniatowska imagine la correspondance entre Angela Beloff et Diego Rivera entre  octobre  1921 et juillet 1922. Diego et Angela sont mariés depuis juin 1911. Ils vivent à Paris dans le plus grand dénuement. Alors que Diego engloutit son âme et son être dans son art, Angela, bien qu’artiste elle-même, vit dans l’ombre de son mari. Ils ont un fils et leur extrême pauvreté les oblige à le confier à un couple d’amis. En 1917, alors que l’enfant est de retour au foyer, l’hiver est particulièrement rude cette année-là et il meurt des mauvaises conditions de vie. Diego a la possibilité de partir au Mexique où il espère pouvoir s’installer en tant qu’artiste reconnu. Commence alors la correspondance, le monologue épistolaire d’Angela, devrais-je dire, car en deux ans, elle n’obtiendra aucune réponse de Diego. Angela reste en France, enlisée dans sa solitude, dans ses doutes. Elle tente de partager ses joies liées à sa création : Angela est peintre et graveur. Elle sait qu’à quelques rues de là, vivent Marievna et sa fille, l’enfant de Diego. Mais elle continue de croire en son homme : Diego n’a pas le temps, Diego travaille, Diego l’aime et attend le moment opportun pour la faire venir au Mexique.
Les amis tentent vainement de lui ouvrir les yeux. La vérité crève les yeux, elle ne veut pas voir.
Lorsqu’Angela parviendra à réaliser son rêve : partir au Mexique, Diego et elle se croiseront lors d’un spectacle, il passera près d’elle sans la reconnaître.

Bouleversant d’attentes vaines, de pudeur, d’espoir, d’amour enfoui, de rêves non partagés, de profonde solitude, d’un froid glacial et sans retour.
On espère sans trop y croire, que la réalité a été moins cruelle.
Immersion dans l’époque : nous sommes chez Picasso, Braque, Juan Gris, Foujita, Modigliani, Soutine, Chagall, Zadkine, Archipenko….

Extrait :
P21 : A la suite de ma visite au Louvre, au milieu de la plus grande exaltation, j’ai commencé à tacher une toile, agitée et avec mal à la tête. Au bout d’un moment, délaissant la toile, j’ai pris un crayon et me suis mise à faire esquisse sur esquisse, puis, ayant épuisé tout le papier, j’ai repris les feuilles pour dessiner sur leur revers. Rien ne me contenta. Je me suis levée à quatre heures du matin, ainsi que tu le faisais, pour essayer d’organiser la composition et j’ai continué toute la journée, tu ne peux t’imaginer combien j’ai lutté, je ne me suis même pas interrompue pour cuisiner quelque chose et je me suis souvenue de nos bouillons d’os avec quelques légumes – tu les appelais « pot-au-feu »-, je souriais en moi-même à l’idée d’une Angelina qui pourrait prendre soin de moi et me prier de faire une toute petite pause pour manger un morceau, et, nerveuse, j’ai continué jusqu’au soir, reprenant encore et encore. J’ai pensé que ton esprit avait pris possession de moi, que c’était toi et non moi qui se trouvait à l’intérieur de moi, que ce désir fiévreux de peindre provenait de toi et je ne voulus pas perdre une seconde de cet ensorcellement. 

1 commentaire:

  1. En effet, quelle tristesse, cette attente pour un mari aussi égoïste :/ Un beau roman en tout cas.

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