dimanche 24 octobre 2010

Les hautes falaises - Jean-Paul Goux - Actes Sud

Les hautes falaises
 Magnifique amitié entre deux garçons: l'un: Bastien, érudit, aimable, issu d'une famille aisée et cultivée et l'autre Simon, provenant d'un milieu plus modeste, encastré dans l'éducation stricte et peu ouverte de parents qui savent ce qui est bien pour leurs enfants. Simon souhaite toutefois avec une timide volonté s'ouvrir au monde de Bastien et Bastien l'entraîne bien volontiers sur le chemin de la connaissance et de l'envie d'apprendre.

J’ai lu ce texte profond, très bien écrit, comme l’analyse d’une amitié.
Au début de ma lecture, j’étais gênée par le « on » de Simon passé au « nous » à l’
âge adulte. Puis, j’ai compris que c’était la meilleure manière d’identifier sa dualité. Simon apparaît comme un être médiocre, une absence d’être. Ce qui magnifie la lumineuse personnalité de Bastien. Personnellement, j’ai apprécié le personnage tornade (quelques pages) d’Emilie qui balaie les acquis et bouleverse l’univers des garçons. Et puis, bien sûr, j’ai souri aux dernières pages, lorsqu’ enfin, Simon entend ce qu’il est réellement !
Beaucoup de descriptions et l’auteur possède indéniablement des notions en architecture (belle description d’une abbaye).

Extraits :

P18 : « Si souvent, dans l’enfance, il doit vous sembler que la vie qui vous est faite n’est pas vraiment la vôtre, qu’une sorte d’erreur ou de maldonne dans la distribution des rôles vous a attribué une place qui n’est pas faîte pour vous et qui n’est pas la vôtre, et en attendant patiemment que cette sorte d’erreur apparaisse au grand jour et que soit corrigée cette fâcheuse maldonne, vous vous sentez comme en sursis, jouant votre rôle imposé sans conviction, assez confiant en somme, convaincu qu’un jour ou l’autre arrivera bien le moment où l’erreur et la maldonne seront réparées et où vous serez enfin rétabli dans la seule vie qui vous était due et où vous serez enfin là où vous deviez être, exactement ce que vous êtes, entièrement vous-même, adéquat à vous-même, collé à vous-même comme l’est à la chair des noix cette peau très fine qui enveloppe ses circonvolutions compliquées. »
P87 : « Combien nous l’avions aimée, d’une sorte d’amour singulier, qui n’attendait rien, ne rêvait pas de longues étreintes ni de longues caresses sur un corps dévêtu, mais qui comblait sa sensualité dans le contact d’une main dégantée, les promesses d’un sourire, un regard discret sur une nuque découverte, la torsion de la taille dans une volte, le tissu d’une jupe, un bas gris sur une cheville, en entendant seulement sa voix de femme qui s’adressait à nous pour nous dire bonjour. »

P192 : « L’ambiance sonore de chacun de ces espaces est constitutive de leurs qualités propres, et variable elle aussi, rythmée elle aussi par le mouvement des saisons : au marcheur le moins prévenu, le plus indifférent, il faudrait que s’impose la cadence des silences au sein des espaces différenciés par leur volume même et par les variations de leur intensité au fil des jours, car on ne dit pas en vain du silence qu’il peut être profond , soit qu’une certaine forme d’appréhension de l’espace, non dans ses dimensions superficielles mais bien dans son volume, ne puisse devenir vraiment sensible qu’au moment où l’oreille parvient à saisir ses contours, à percevoir les limites et les distances relative de son enceinte, en sorte que le silence serait un attribut de l’espace, soit que l’appréhension du silence et de ses profondeurs relatives ne puisse elle aussi devenir sensible qu’au sein de l’espace qui lui confère du relief, ainsi qu’on le vérifie à contrario lorsqu’on se bouche les oreilles et qu’on établit non pas le silence mais une plate absence de bruit, en sorte que l’espace serait une propriété du silence… » (Je trouve ce passage magnifique)

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