dimanche 24 octobre 2010

Biographie de Pavel Munch - Pascal Morin - Rouergue - La brune

Pascal avait déjà repéré les «Cocons » du sculpteur Pavel Munch à ses débuts. Depuis, ayant pressenti dans sa chair la même adéquation de leur ressenti de la vie, il suivait le travail de l’artiste. Lors d’une séance de signature dans une grande librairie parisienne, Pascal reconnaît Pavel, le rencontre véritablement et lui propose d’écrire sa biographie.
Depuis la « Petite terre » (argile crûe, 1987) jusqu’à l’ultime « Autoportrait » (argile blanche, 2008), dernière œuvre avant la disparition de l’artiste, Pascal dresse le portrait du sculpteur à travers des extraits du journal intime de Pavel (12 cahiers en tout), des extraits d’articles sur son travail et se réfère aux différentes expositions de l’artiste.
Afin de parfaire sa biographie, il étaie son propos de comptes-rendus de ses visites sur les lieux d’enfance de Pavel et de rencontres avec les gens l’ayant connu. Il nous raconte comment Pavel, élevé par Roberta, l’ « anglaise » exilée, s’affirme lentement dans son corps et dans son art (indissociablement liés) en passant par l’internat de garçons (la découverte de son attirance pour les hommes), le séjour sur l’île parmi des adultes complètement « libérés », et en vient à l’obsession du contact de la terre, de la perfection de la représentation du ressenti. L’ « Autoportrait » vide Pavel et signe sa disparition.

Cette écriture terriblement sensuelle nous entraîne dans le processus de l’acte créatif, jouissif, douloureux, épuisant, obsessionnel. Une lutte avec soi pour accoucher d’une œuvre qui existe et prend son indépendance lorsqu’elle colle au ressenti éprouvé.
Si j’avais été critique de jazz, j’aurais dit qu’avec ce texte, Pascal Morin touche du doigt la Note bleue !

Extraits :

P13 : « Puis il serre la terre humide dans son poing et regarde la forme qu’il lui a donnée. Elle garde en négatif la trace de ses doigts potelés. Volume dentelé, comme un trognon de pomme. Il le porte à sa bouche. Mêlée de salive, la terre fond en surface, elle libère sa saveur âcre, si âcre qu’un frisson le parcourt, derrière la nuque et le long de la colonne vertébrale. »

P73 : « Pour ne pas être aussi desséché que la terre brune qui se craquelle au pied des chênes, il boit de l’eau à la bouteille. Plus il boit, plus il sue. Alors, il boit davantage pour provoquer la transpiration, découvrant à la fois la réaction de son corps à l’ingestion du liquide et l’idée de la traversée de la matière, de sa propre matière, par les molécules d’eau. Il s’emploie à recueillir, à l’aide d’une cuillère passée sur son torse, sur son ventre et dans le creux de son sternum, cette sueur qui a été la sienne le temps que les atomes d’hydrogène et d’oxygène en chassent d’autres, et il la mêle à la terre du sol, qu’il se met à pétrir sur un banc, comme au hameau. De cette boue, il fait des personnages à son image, de jeunes hommes nus, les bras croisés sur la poitrine, aux chevilles assez épaisses pour assurer la station debout. »

P101 : « Animé d’une hargne acharnée, il se met à l’œuvre. Il veut restituer dans la terre ce visage qui le trouble, retranscrire la tension qui le bouleverse, fait battre son cœur plus fort, et même gonfle son sexe. Modeler l’ardeur bouillante. La fougue. Il pétrit et malaxe, tout entier tendu vers ce résultat, dans un corps à corps sensuel avec la terre. Il se croit capable d’y arriver, de capter enfin l’insaisissable, l’émoi dans la pureté. Devant son personnage d’argile, on serait troublé, gêné comme devant la révélation des corps dans l’amour. Animé d’un désir violent, comme devant la chair. »

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